La monnaie est la colonne vertébrale de notre économie nationale, essentielle à toutes les couches de la société. Elle influence chaque individu, entreprise, organisation et institution étatique. Ainsi, la souveraineté monétaire est le prérequis indispensable à tout développement autonome et maîtrisé de notre nation. Nous nous engageons à garantir cette souveraineté en régulant et en gérant notre devise nationale, en adhérant aux principes clés suivants :
Redéfinir l’essence de la monnaie et son émission
Nous réaffirmons le rôle de la monnaie en tant que contrat de confiance entre les acteurs économiques. Nous refusons catégoriquement les approches qui la réduisent à un simple produit commercial ou à un instrument de spéculation, sources d’instabilité et d’inégalités. L’État est le seul habilité à émettre et garantir notre monnaie, dans l’intérêt exclusif de la nation, afin de répondre aux besoins socio-économiques de la population et de soutenir une croissance inclusive. Cette vision rejoint les principes défendus par John Maynard Keynes, pour qui la monnaie doit rester un outil de politique économique au service de l’intérêt général, et non être soumise aux caprices des marchés ou aux intérêts privés.
Propositions :
- Création d’un Conseil National de la Monnaie : Mettre en place une instance consultative et de proposition, regroupant des experts économiques, des représentants de la société civile, des syndicats et du patronat, pour débattre et orienter la politique monétaire en fonction des objectifs de développement nationaux.
- Encourager la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) : Étudier la faisabilité et les avantages d’une MNBC pour la Tunisie, qui permettrait un contrôle accru de la masse monétaire, une réduction des coûts de transaction, une meilleure inclusion financière et une transparence renforcée.
Une politique monétaire au service du budget de l’État et de la nation
La politique monétaire est un levier fondamental de souveraineté. Elle doit être mise en œuvre par la Banque Centrale de Tunisie (BCT), qui doit opérer en cohérence absolue avec les orientations et les hypothèses macroéconomiques validées dans la Loi de Finances. Son rôle est d’ajuster les taux d’intérêt, de réguler l’inflation (en distinguant inflation importée et inflation structurelle), de gérer la liquidité de manière proactive et de soutenir activement le financement de l’économie réelle, notamment l’investissement productif, l’innovation et les secteurs stratégiques.
Aujourd’hui, cette coordination est malheureusement rompue. Depuis 2016, sous l’argument de lutte contre l’inflation souvent importée et non directement liée à la demande interne, la Banque Centrale a adopté une orientation restrictive, en contradiction flagrante avec les besoins urgents d’investissement, de relance économique et de création d’emplois dont le pays a besoin.
Reconsidérer la « fausse indépendance » de la Banque Centrale
La loi organique n°2016-35 a proclamé l’« indépendance » de la Banque Centrale de Tunisie, principalement sous la pression du FMI et d’autres bailleurs internationaux. Cependant, cette indépendance n’est qu’une illusion de façade : dans les faits, la BCT s’aligne mécaniquement sur les hausses de taux de la Réserve Fédérale américaine, sans tenir compte de nos spécificités économiques nationales ni des impératifs de notre développement. Entre 2016 et 2023, les taux directeurs sont passés de 4 % à 8 %, étouffant brutalement l’investissement productif, renchérissant le coût du crédit pour les entreprises et les ménages, et pénalisant gravement la consommation.
Plus grave encore, avant 2016, la BCT pouvait financer directement le Trésor public à taux zéro, un mécanisme sain de soutien à l’investissement public. Depuis, cette possibilité est sciemment interdite. Résultat : l’État est contraint d’emprunter auprès des banques commerciales tunisiennes à des taux usuriers de 6 à 9 %, alors que ces mêmes banques se refinancent à la BCT à taux quasi nul. Cette mécanique a permis aux banques de capter, sans aucune création de valeur économique réelle, plus de 21 milliards de dinars d’intérêts (2023) sur des prêts garantis par l’argent public. Ce montant faramineux équivaut à près de trois fois le budget annuel de la santé en Tunisie ! C’est un transfert massif de richesses des citoyens vers le secteur bancaire privé.
Propositions :
- Révision de la loi organique n°2016-35 : Modifier la loi pour rétablir la possibilité pour la BCT de financer directement le Trésor public à taux préférentiels, pour des projets d’investissement stratégiques et d’infrastructures nationales. Cela ne signifie pas une monétisation incontrôlée, mais une coordination saine entre politique monétaire et budgétaire au service du développement.
- Mécanisme de « Retour à l’Économie Réelle » pour les banques : Imposer aux banques commerciales, en contrepartie de leur accès au refinancement de la BCT, un mécanisme contraignant de retour à l’économie réelle. Cela pourrait prendre la forme d’obligations d’investissement productif dans des secteurs clés (industrie, agriculture, énergies renouvelables), de soutien renforcé aux PME et startups via des lignes de crédit bonifiées, ou de financement direct de projets nationaux d’intérêt public.
- Audit public des gains bancaires : Mener un audit transparent et public des profits réalisés par les banques commerciales tunisiennes grâce à cette architecture financière depuis 2016, afin d’éclairer l’opinion publique et de justifier les réformes nécessaires.
Vers un Dinar convertible : Libérer le citoyen et l’économie
Au-delà de la stabilité et de la souveraineté de notre monnaie, notre ambition est de progresser vers un Dinar pleinement convertible. Pour le citoyen tunisien, la convertibilité du Dinar n’est pas un luxe, mais une nécessité pour la liberté individuelle et l’accès à l’économie mondiale. Aujourd’hui, les restrictions sur les devises étrangères limitent drastiquement la capacité des Tunisiens à consommer en ligne sur des plateformes internationales, à investir à l’étranger ou simplement à voyager sereinement. Le budget de devises autorisé pour les voyages est devenu si dérisoire qu’il entrave la mobilité, les échanges culturels et professionnels, et le développement personnel.
Nous pensons qu’un Dinar convertible, adossé à une économie nationale robuste et diversifiée, permettra non seulement de fluidifier les échanges commerciaux internationaux, mais aussi de redonner du pouvoir aux citoyens. Cela facilitera l’accès aux connaissances, aux biens et services non disponibles localement, et encouragera l’investissement et le rapatriement des capitaux. Cette transition sera progressive et maîtrisée, accompagnée de réformes structurelles pour renforcer nos exportations et nos réserves en devises. L’objectif est de concilier la souveraineté monétaire avec l’ouverture nécessaire pour que chaque Tunisien puisse pleinement participer à l’économie globale.
Pour une valeur de change souveraine et au service du pouvoir d’achat
La souveraineté monétaire inclut intrinsèquement le droit et la capacité de définir un régime de change conforme aux intérêts supérieurs de la nation. En Tunisie, le dinar est en flottement dirigé, mais ce flottement est malheureusement instrumentalisé et souvent subi. La dévaluation continue n’est qu’une fuite en avant qui ne repose sur aucun projet de réindustrialisation profond, de substitution aux importations significative ou de renforcement de notre compétitivité structurelle.
Depuis 2011, le dinar tunisien a perdu près de 55 % de sa valeur face à l’euro. Ce recul dramatique du taux de change a été utilisé comme un palliatif artificiel pour absorber le coût croissant du service de la dette et du paiement des salaires publics, mais au prix insoutenable d’un effondrement généralisé du pouvoir d’achat des citoyens, d’une augmentation du coût des importations (matières premières, biens de consommation) et d’une dépendance accrue. Cette logique est intenable et destructrice à long terme. La politique monétaire doit au contraire viser la stabilité externe de notre monnaie, l’encouragement robuste de la production locale et l’impérative préservation du pouvoir d’achat des Tunisiens.
Propositions :
- Stratégie de stabilisation du dinar : Mettre en place une politique de change plus active et ciblée, visant à stabiliser le dinar à un niveau compétitif mais non dévalorisé, en lien avec une stratégie industrielle et agricole de relocalisation. Cela passe par une gestion plus rigoureuse des importations non essentielles et un soutien accru aux exportations à forte valeur ajoutée.
- Fonds de soutien à la production locale : Créer un fonds alimenté par une partie des bénéfices de la BCT ou des taxes spécifiques, dédié au financement des entreprises tunisiennes qui s’engagent dans la production locale, la substitution aux importations et la création d’emplois.
- Renégociation de la dette externe : Engager des négociations fermes avec les créanciers internationaux pour obtenir un allègement ou une restructuration de la dette, afin de libérer des marges de manœuvre budgétaires et réduire la pression sur le dinar.
Explorer les nouvelles frontières monétaires : entre Bitcoin, Blockchain et Dinar Numérique
Dans un monde en pleine transformation numérique, il est impératif pour la Tunisie de ne pas rester en marge des innovations monétaires et technologiques. L’émergence des cryptomonnaies comme le Bitcoin, basée sur la technologie blockchain, ainsi que le développement rapide des monnaies numériques de banque centrale (MNBC) par de nombreux pays, nous offre des opportunités uniques de repenser notre système financier.
Le Bitcoin, avec sa nature décentralisée et sa résilience face aux manipulations étatiques ou bancaires, représente une alternative intéressante aux systèmes financiers traditionnels. Cependant, son adoption par un État souverain pose des questions complexes de contrôle monétaire, de fiscalité et de stabilité économique. Plutôt qu’une adoption directe et risquée, nous devons analyser et comprendre les mécanismes sous-jacents de ces technologies décentralisées.
Notre approche privilégie une intégration prudente et stratégique :
- Étude approfondie de la Blockchain pour les services publics : Au-delà des cryptomonnaies, la technologie blockchain offre un potentiel immense pour la transparence, la sécurité et l’efficacité des services publics (registres fonciers, identité numérique, chaînes d’approvisionnement). Nous nous engageons à explorer et à mettre en œuvre des applications concrètes de la blockchain pour moderniser l’administration et lutter contre la corruption.
- Développement d’un « Dinar Numérique Souverain » (CBDC) : Plutôt que d’adopter des cryptomonnaies étrangères et volatiles, la Tunisie devrait s’engager activement dans le développement d’une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC), un « Dinar Numérique Souverain ». Cette MNBC permettrait à l’État de garder le contrôle total sur l’émission et la circulation de sa monnaie, tout en offrant les avantages du numérique : transactions instantanées et à faible coût, meilleure inclusion financière pour les populations non bancarisées, et une lutte plus efficace contre l’économie informelle. Cela renforcerait notre souveraineté monétaire face aux monnaies numériques privées et aux pressions extérieures.
- Régulation des actifs numériques : Nous devons élaborer un cadre réglementaire clair et progressif pour les actifs numériques (tokens, stablecoins) et les plateformes d’échanges, afin de protéger les investisseurs, de prévenir le blanchiment d’argent et de stimuler l’innovation dans le secteur financier tunisien.
L’objectif est de puiser le meilleur de ces innovations pour renforcer notre économie, améliorer l’accès aux services financiers et consolider notre indépendance monétaire, sans compromettre la stabilité de notre système.
Proposition stratégique : une monnaie virtuelle régionale pour la coopération Sud-Sud
Dans une logique d’intégration régionale et de renforcement de notre souveraineté économique collective, nous proposons le lancement d’une monnaie virtuelle maghrébine (ou nord-africaine), adossée à un panier diversifié de matières premières régionales (phosphate, huile d’olive, dattes, fer, plomb, etc., complétées par d’autres ressources si pertinents). Ce projet, dans une phase pilote initiale, ciblera spécifiquement le financement de projets structurants dans les domaines culturels, touristiques et de mobilité régionale, favorisant les échanges inter-Maghreb. Il offrira un mécanisme alternatif de compensation des échanges régionaux, réduisant ainsi notre dépendance aux devises étrangères et aux chocs exogènes.
Ce projet audacieux s’inspire de réflexions récentes menées par la Banque africaine de développement sur les monnaies régionales de compensation, ou encore du projet de « dinar or » évoqué dans certains cercles souverainistes algériens et maliens. L’objectif n’est pas de substituer cette monnaie au dinar tunisien, mais de créer un outil complémentaire et innovant pour favoriser la coopération Sud–Sud, stabiliser les échanges commerciaux régionaux, et valoriser stratégiquement notre richesse naturelle et humaine collective.
Propositions supplémentaires pour la monnaie virtuelle régionale :
- Cadre juridique et institutionnel : Élaborer un cadre juridique et institutionnel clair pour la gouvernance de cette monnaie virtuelle régionale, en collaboration avec les pays partenaires potentiels.
- Phase de test et d’expérimentation : Lancer une phase de test avec un nombre limité de transactions et d’acteurs, afin d’évaluer la faisabilité technique, les défis réglementaires et l’acceptation par les utilisateurs.
- Partenariats stratégiques : Rechercher des partenariats avec des institutions financières régionales, des banques centrales des pays voisins et des experts en blockchain/technologies financières.
- Communication et sensibilisation : Mener une campagne de communication et de sensibilisation auprès des acteurs économiques et du grand public pour expliquer les avantages et le fonctionnement de cette monnaie régionale.
Développer une culture de la monnaie et de la gestion financière
Pour qu’une politique monétaire soit pleinement efficace et bénéficie à l’ensemble de la population, il est essentiel d’instaurer une culture financière nationale forte. La maîtrise de notre monnaie ne relève pas seulement des institutions ; elle implique chaque citoyen, chaque entreprise. Actuellement, la méconnaissance des mécanismes monétaires, des principes du crédit ou de la planification budgétaire est un frein au développement économique et à la résilience individuelle.
Nous proposons la mise en œuvre d’une stratégie nationale de formation et de sensibilisation à la culture monétaire et financière, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie. Cette stratégie visera à :
- Intégrer l’éducation financière dans les programmes scolaires : Dès l’école primaire et secondaire, des modules pratiques seront introduits pour enseigner les bases de la monnaie, de l’épargne, du budget personnel et des risques liés à l’endettement. L’objectif est de former des citoyens responsables et éclairés, capables de prendre des décisions financières avisées.
- Renforcer les compétences en gestion pour les PME et startups : Des programmes de formation spécifiques seront développés pour les entrepreneurs, les gérants de petites et moyennes entreprises, et les créateurs de startups. Ces formations couvriront la gestion de trésorerie, l’accès au financement, la compréhension des produits bancaires et la gestion saine du crédit, afin de favoriser leur croissance et leur pérennité.
- Campagnes nationales de sensibilisation : Lancer des campagnes de communication grand public, utilisant divers médias (TV, radio, réseaux sociaux, ateliers communautaires), pour démystifier la monnaie, expliquer le rôle de la Banque Centrale et des banques commerciales, et promouvoir les bonnes pratiques de gestion budgétaire et d’investissement. L’accent sera mis sur la consommation responsable, l’épargne productive et la prévention du surendettement.
- Soutenir les initiatives d’inclusion financière : Collaborer avec les institutions financières, les associations et les acteurs de la société civile pour développer des outils et des services adaptés aux populations vulnérables ou non bancarisées, facilitant leur accès aux services financiers formels et à la microfinance responsable.
En investissant dans cette éducation et cette culture monétaire, nous renforcerons la capacité de chaque Tunisien à participer activement à l’économie nationale, à protéger son pouvoir d’achat et à contribuer à une prospérité collective et durable.
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L’impératif de la souveraineté par la décision éclairée et la prospective stratégique La souveraineté d’une nation est l’expression ultime de sa capacité à décider librement de son destin. Au-delà des symboles nationaux et des frontières, elle se manifeste par une autonomie réelle face aux pressions extérieures et une maîtrise de...