Article 04.5 – La maitrise de notre langue

La langue au cœur de la souveraineté : Un défi pour l’unité nationale

Au cœur de la souveraineté, la pleine maîtrise de la langue est essentielle pour fédérer un peuple, une nation autour d’une vision commune de son roman national, de son identité et de son avenir. Notre Tunisie, héritière d’une histoire riche et complexe, fait face à une diversité linguistique qui nécessite une attention particulière. Alors que le maltais, issu du dialecte tunisien, a acquis une reconnaissance internationale, la Tunisie elle-même est toujours en quête d’une langue principale capable d’embrasser tous les domaines de la vie commune dans la cité : la connaissance, les savoirs, la communication, les pratiques et les modes de vie.

Force est de constater que nous observons tous, et malgré nous, une érosion linguistique préoccupante pour notre avenir commun. Une majorité de Tunisiens ne maîtrise pas l’arabe littéraire, le dialecte tunisien n’est pas reconnu comme une langue à part entière et ne traite pas les sujets techniques, scientifiques ou complexes. L’usage du français diminue, tandis que l’anglais gagne en popularité, notamment chez les jeunes. Cette situation a des répercussions tangibles : publicités, émissions, discussions officielles et informelles fusionnent arabe littéraire, dialecte tunisien, français et anglais dans un mélange incohérent et informel qui devient incompréhensible et qui génère de nouvelles formes d’exclusion, notamment chez les plus fragiles de notre société.

Impact de l’érosion linguistique : Coût cognitif et isolement régional

L’absence d’une langue principale forte, capable d’embrasser toutes nos sémantiques, a évidemment un impact direct et profond sur la construction et l’évolution de nos structures cognitives. Cette fragmentation linguistique entrave la génération d’idées nouvelles, limite nos projections mentales telles que l’imaginaire ou l’anticipation, et, de manière générale, affecte la compréhension que nous avons du monde qui nous entoure et notre capacité à y interagir pleinement.

Les conséquences sont dramatiques et se manifestent dès le plus jeune âge. Par exemple, les études sur le cerveau des enfants démontrent clairement que lorsqu’un enfant ou un jeune adulte est confronté à des frustrations intenses, il peut soit disposer des mots précis pour exprimer et comprendre ces émotions complexes, soit, en l’absence de ce vocabulaire, voir cette frustration se traduire par de la violence, de l’hyperviolence, ou des comportements d’autodestruction (suicide, automutilation, drogue, alcool). C’est un lien direct entre le déficit linguistique et la santé mentale et sociale de notre jeunesse.

De plus, cette dilution linguistique a des répercussions concrètes sur notre positionnement régional et international. Aujourd’hui, de plus en plus de pays arabes refusent de participer à des conférences organisées en Tunisie lorsqu’elles sont annoncées comme étant en « arabe ». Nous avons été témoins de plusieurs délégations du Moyen-Orient ayant quitté des conférences scientifiques, considérant ne rien comprendre aux conférenciers tunisiens, tant à cause de l’usage abusif du français, de l’anglais approximatif que de l’intégration prépondérante du dialecte tunisien. Cette situation nous isole et nous empêche de jouer pleinement notre rôle de pôle intellectuel et scientifique dans le monde arabe.

Un nouveau modèle linguistique : Audace et ambition pour la souveraineté

Face à cette réalité linguistique complexe, nous proposons un nouveau modèle linguistique à la fois audacieux et profondément ambitieux. Il s’articule autour d’une décision fondamentale : reconnaître le tunisien comme notre langue nationale et établir une Académie de la Langue Tunisienne. Cette institution d’envergure aura la charge cruciale de codifier le tunisien en une langue officielle, en s’appuyant sur les vastes richesses de l’arabe classique pour enrichir son lexique, sa grammaire et sa sémantique. L’académie sera également investie de la mission de créer de nouveaux termes, reflétant les avancées du monde moderne et intégrant les pratiques linguistiques courantes pour que notre langue vive et s’adapte à son temps.

Dans la perspective de l’édification d’un « Grand Maghreb Élargi », cette académie œuvrera activement à harmoniser les pratiques linguistiques des États membres. L’objectif est clair : promouvoir une langue maghrébine commune, un « Néo-Arabe », qui soit un trait d’union pour la jeunesse d’ici 2050, et pour l’ensemble des populations d’ici 2100. Nous aspirons à ce que cette langue unifiée soit reconnue et adoptée à travers le monde arabo-musulman, positionnant ainsi notre région comme un pôle d’influence culturelle et intellectuelle majeur. Nos stratégies ambitieuses, déployées à travers les médias, les arts, le cinéma, l’éducation, les sciences et la culture en général, seront nos principaux leviers pour cette influence positive et ce rayonnement.

Parallèlement, l’administration tunisienne adoptera le français en tant que langue secondaire fonctionnelle pour les affaires administratives, l’éducation, le numérique et les services aux citoyens. Cette approche pragmatique vise à assurer une inclusion plus large pour des millions de Tunisiens résidant à l’étranger, les entreprises étrangères implantées en Tunisie ou travaillant avec notre pays, les expatriés, les touristes, et toutes les ambassades ou organisations s’intéressant à notre nation. Cette stratégie tire également parti des technologies analytiques et génératives, comme l’intelligence artificielle, qui se nourrissent massivement des données disponibles en ligne. La réévaluation de la place de l’anglais dans notre système administratif et éducatif sera entreprise en 2040, avec l’idée d’une transition possible d’ici 2050, selon l’évolution du contexte global et de nos besoins.

Notre stratégie linguistique est donc un engagement profond envers une Tunisie souveraine et unifiée, qui embrasse pleinement son héritage tout en s’adaptant avec intelligence à notre réalité contemporaine et aux enjeux capitaux du futur qui se dressent devant nous. C’est une vision qui reconnaît le pouvoir structurant de la langue pour forger notre identité, renforcer notre cohésion et affirmer notre place dans le monde.