(article réécrit en Juin 2025) Cet article, intitulé « 04.2 – La Maîtrise de notre vie Politique : Contexte et diagnostic », vise à décrire le contexte politique tunisien depuis 2011 et à expliquer pourquoi les approches actuelles échouent. Il sera suivi par l’article « 04.2 bis – La Maîtrise de notre vie politique : Notre vision », qui présentera nos solutions concrètes pour transformer durablement la Tunisie.
La priorité nationale : un débat déconnecté de la réalité
Si l’on écoutait la logique mathématique, quelle serait réellement la priorité de notre nation ? Ceux qui nous suivent sur les réseaux sociaux ont pu constater nos échanges vifs avec des personnalités de premier plan sur cette question. Chacun tente de faire le buzz avec des arguments d’autorité : l’éducation en premier, la corruption, les startups, les monopoles, la dette, ou encore le renvoi des migrants. Récemment, nous avons même entendu des absurdités nouvelles, comme la priorité à l’intelligence artificielle ou au CO2. Comment un pays incapable de construire un simple rond-point dans les délais pourrait-il prioriser l’IA ? Notre consommation énergétique par personne est l’une des plus faibles au monde, et nous comptons plus de trois millions de personnes vivant dans la pauvreté. Mais, pour des intellectuels totalement déconnectés de nos réalités, la priorité est le CO2, des intellectuels qui, eux, roulent évidemment en 4×4 et ont un niveau de vie, et donc une empreinte carbone, 30 fois supérieurs à la moyenne nationale.
Si vous avez lu notre article sur la structure de nos travaux, vous savez que notre chapitre « Nos principes directeurs » détaille les mécanismes qui structurent notre pensée, incluant une série d’articles listant les priorités réelles de la nation.
En synthèse, pour comprendre notre vision sur la maîtrise de notre vie politique, voici quelques éléments clés :
Il n’y a que deux options fondamentales pour la Tunisie :
- Maintenir le système existant : Cela signifie accepter l’augmentation inéluctable de la dette, un système productif inopérant, des investissements réduits à néant, une fuite massive des cerveaux, l’effondrement de la santé publique et une explosion de la délinquance. Nos modélisations, de même que le simple bon sens, démontrent sans équivoque que ce système ne peut survivre. Le système actuel est en effondrement mathématiquement prouvable.
- Se transformer pour stopper cette descente aux enfers : C’est le discours que tous les hommes politiques nous servent depuis 2011, sans jamais pourtant remettre en question le système existant, aboutissant inévitablement au scénario d’effondrement que nous venons de décrire
Comment transformer le pays ? Le bilan des expériences passées
Si nous sommes d’accord pour transformer le pays, une question simple se pose alors : comment ? La Tunisie a déjà expérimenté, dans la douleur, trois systèmes distincts.
La dictature (Bourguiba et Ben Ali)
- La dictature censée être « éclairée » de Bourguiba a survécu grâce aux revenus du pétrole et au soutien de familles qui ont accaparé, via les monopoles, 70% de notre économie. Incapable de bâtir un système viable sur le long terme, ce régime s’est effondré.
- Il a été remplacé par la dictature de Ben Ali, entièrement fondée sur l’accaparement des richesses, la corruption généralisée et la répression violente de toute contestation. Ce système, lui aussi intrinsèquement non viable, s’est effondré en 2011
La pseudo-démocratie (post-2011)
- Le deuxième système expérimenté en Tunisie après 2011 est encore plus aberrant que la dictature : une pseudo-démocratie. Ce système, financé et souvent piloté de l’étranger, a été bâti sur des alliances contre nature qui ont empêché l’émergence de véritables démocrates, capables de « renverser la table » pour changer réellement le pays.
- Le besoin vital d’idéologie a été remplacé par le fantasme insupportable du « gouvernement de compétences ». L’avenir de notre pays a été confié à plus de 500 ministres sortis de nulle part, n’ayant jamais consacré dans leur vie, la moindre minute à une réflexion stratégique sur l’avenir de notre nation.
- Un ministre régalien nous a raconté cette anecdote édifiante : « J’ai appris que j’étais ministre à la radio, dans ma voiture, en faisant mes courses ! Oui, il y avait eu une discussion rapide, mais il y a des mois, et je n’avais pas donné de réponse précise ! Ensuite tu arrives ensuite devant le président qui te dit : ‘Vas-y, trouve des idées et transforme ton ministère !’ Tu arrives ensuite dans ton ministère, et avant même de t’asseoir à ton bureau, tu reçois sur la tête une pluie de décisions, de demandes, de problèmes à gérer, l’essentiel étant des sujets du quotidien et des guéguerres internes dignes d’une cour d’école sur les postes et les salaires évidemment ! Tu travailles jour et nuit à prendre des décisions en urgence, pour t’apercevoir ensuite que 90% de tes ordres ne seront jamais mis en œuvre ! Le temps de comprendre comment cette usine à gaz appelée ministère fonctionne, tu es viré, et on recommence avec la même méthode ! »
- Un PDG d’une entreprise informatique a témoigné : « Je suis devant la télévision, je regarde le journal télévisé de 20h. Je reçois un appel téléphonique d’un ami, ‘le ministre X’ (qui n’est pas du ministère du digital) veut te voir en urgence demain matin à la première heure ! ‘Mais pourquoi faire ?’ — ‘Le ministre veut que tu lui soumettes tes idées !’ — ‘Mais je ne connais rien à ce secteur, je n’ai pas d’idée !’ — ‘Oui, mais le ministre a vu tes différentes déclarations, il veut te voir, prépare des propositions ! Le ministre doit ensuite rencontrer le président !’ »
Cette situation, depuis 2011, aboutit à un constat simple : 83% des lois votées au parlement n’ont jamais eu de décret d’application et n’ont donc servi à rien. Moins de 8% des mesures des lois de finances sont en application. Aucune transformation ayant réellement changé le quotidien des Tunisiens n’a eu lieu.
La période actuelle (depuis 2021)
La troisième expérience est celle de la période en cours, marquée par :
- Un président qui gouverne seul et impose, sans aucune concertation, des séries de mesures qui n’ont aucune cohérence d’ensemble (pas de vision, pas d’objectifs, et donc pas de chiffres ni d’indicateurs de performance) à 12 millions de personnes.
- Un président qui gouverne par des « appels » : il faut mettre en place une politique sociale, il faut sauver les entreprises publiques, il faut lutter contre la corruption ! Des appels encore et encore, mais toujours aucun plan d’ensemble partagé avec le peuple ! Pour quel PIB demain ? Pour quelle croissance ? Quel niveau de chômage ? Quels sont les axes de transformation des secteurs de la nation ? Combien d’énergie nécessaire ? Combien d’eau ? Combien de ressource, combien d’ouvriers, d’ingénieurs ? Que faire des retraites, de la santé, de notre fiscalité délirante ? Pas de débat, pas d’échange ! Il faut, il faut, il faut, mais toujours sans aucun objectif national chiffré, y compris dans les études stratégiques de l’État ! L’ITES indique en 2023 que nous dépensons 50 millions de dinars par an pour des études stratégiques qui ne servent à rien et nous dépensons 500 millions de dinars pour des projets qui n’aboutissent pas ou qui ne sont pas pertinents !
- Un parlement sans aucun doute le plus représentatif du monde, mais qui n’a strictement aucune marge de manœuvre, nous y reviendrons par la suite.
- Une destruction organisée de tous les partis et organisations politiques en Tunisie.
- Un muselage systématique de toutes les organisations de pensée, comme les think tanks.
- Une administration massivement accusée de trahison et de corruption.
- Des chefs d’entreprises et des investisseurs tétanisés, accusés en masse d’être des escrocs ou des contrebandiers, et dont la plupart ont quitté le pays.
- Des opposants en prison, des médias muselés, une classe intellectuelle qui se terre dans les « sous-sols » de la Marsa et qui préfère se taire plutôt que de défendre la nation.
- Un peuple qui souffre et a perdu tout espoir.
- Une jeunesse qui n’a qu’un seul objectif : quitter le pays.
Pourquoi cela ne marche toujours pas, même avec les pleins pouvoirs ?
Notre président n’a toujours pas compris que les Tunisiens n’ont pas voté pour lui, mais contre le système post-2011. Ce vote massif pour le président Saïed a une conséquence simple mais grave : il pense, de manière sincère, honnête et convaincu, que le peuple valide sa vision, pourtant jamais partagée avec ce même peuple. Une vision floue, non écrite, sans objectifs mesurables, sans méthode, sans alliés et sans organisation pour la soutenir. Le président, appliquant la théorie politique de Carl Schmitt, passe son temps à désigner des coupables, des entités virtuelles génériques : les mafias, les corrompus, les criminels, les traîtres. Ces allégories, bien qu’elles puissent séduire un temps les plus naïfs, ne proposent en rien une méthode structurée de transformation de la nation. Au contraire, elles ne font que conforter le système en place, qui ne voit en réalité aucune menace réelle.
Alors, quel est le système qui pourrait marcher ?
En réalité, ce n’est pas la bonne question. Si vous voulez acheter une voiture, le vendeur vous demandera en premier lieu ce que vous voulez en faire : transporter des marchandises, faire de longs trajets, uniquement de petits trajets, pour combien de personnes, etc.
La bonne question est : quels sont les défis que doit relever un système capable de transformer réellement la nation ?
La temporalité du changement : assurer la continuité
Imaginez que vous ayez tout l’argent nécessaire, les compétences et le matériel :
- Pour transformer notre système énergétique, y compris le réseau, il faudra 15 ans.
- Pour transformer l’ensemble du réseau d’eau, d’égouts et de gaz : 20 ans.
- Pour transformer nos infrastructures (trains, ports, aéroports), et construire nos nouvelles villes : 25 ans.
La question est la suivante : le système depuis 2011 est basé sur la stratégie de Pénélope de l’Iliade ; chaque gouvernement qui arrive, chaque ministre commence par détruire ce qui a été fait avant. Quel est le système qui permettrait une continuité du changement et une pérennité des décisions ?
Les freins au changement : garantir la mise en œuvre des réformes douloureuses
Quelle que soit votre positionnement idéologique, la situation est, là aussi, parfaitement connue : si vous voulez changer la nation, vous devrez prendre des décisions profondes, radicales, et douloureuses. Cela inclut la réduction du nombre de fonctionnaires, la destruction des monopoles, la lutte contre la contrebande et l’évasion fiscale, et la transformation complète d’un modèle productif inopérant. Tout ceci sans argent et avec des compétences qui fuient le pays. La question est : quel est le système qui permettra de garantir la mise en œuvre de ces transformations douloureuses, de retenir nos compétences, et de convaincre les investisseurs et les partenaires financiers ?
La réponse est disponible dans toutes les théories du changement des nations, qu’elles soient de droite ou de gauche, religieuses ou laïques, modernistes, écologistes, etc.
Aucun pays ne peut se transformer s’il n’est pas capable de maîtriser les quatre niveaux d’influence des sociétés modernes. Toute notre action INTILAQ 2050 est basée sur ces niveaux d’influence :
- L’influence sur les populations : Aucun changement ne sera possible sans l’adhésion claire des populations. Et pour que les populations adhèrent, il faut leur expliquer ce changement. Pensez-vous pouvoir changer le modèle social, les retraites, la santé, les infrastructures, la fiscalité, les villes, la gestion des déchets, les économies d’énergie ou les changements de comportement sans l’adhésion des populations ? Sérieusement ?
- L’influence sur les organisations de la société civile : Qu’il s’agisse de syndicats patronaux ou ouvriers, de corporations, d’associations de retraités, de magistrats, de l’éducation, des PME, des agriculteurs, de centres de recherche, d’universités ou de think tanks, il est impossible de réaliser des changements profonds sans une adhésion des organisations structurées de la société civile. Ceci est valable même pour les grandes entreprises qui devront convaincre les syndicats sous peine de grève et de blocage. Pensez-vous sincèrement pouvoir changer l’éducation, les secteurs du phosphate, de l’énergie, de l’agriculture ou la structure de l’administration sans l’adhésion de toutes ces organisations capables de mobiliser contre vous 80% de la population ? Sérieusement ?
- L’influence sur les médias et les réseaux sociaux : Inutile de faire de longs discours, il est évidemment impossible de changer la nation si vous n’avez pas avec vous, et de manière sincère, des médias convaincus par votre action ! Surtout en Tunisie où la télévision et la radio restent les premiers vecteurs d’information et d’influence. Pour les réseaux sociaux, c’est la même chose : il existe aujourd’hui de puissants relais d’opinion, comme des influenceurs qui ont plusieurs millions de followers. Vous pensez vraiment changer le pays en les mettant en prison ? Sérieusement ?
- L’influence sur les grandes échéances : Aucun changement massif ne sera possible sans un mandat clair, une majorité du peuple qui dit : « Ok, allons-y ensemble ! » Pour ce faire, évidemment, il faut que les questions clés du changement soient posées sur la table des débats afin que les échéances électorales aient un sens. Pensez-vous que le peuple va continuer encore longtemps à croire à la promesse du héros dont le seul message est : « Faites-moi confiance ! » ? Sérieusement ?
Ainsi, quel est le système qui permettrait de répondre à ces défis d’influence pour mobiliser l’ensemble des acteurs du changement ?
Notre réponse est la même depuis 2020 : un système basé sur trois composantes fondamentales :
- Un système qui garantit une vraie alternance : L’alternance a quelque chose de magique : l’obligation de convaincre, l’obligation d’être toujours meilleur, et surtout l’obligation de ne pas détruire. Car vous savez que, même si vous quittez le pouvoir, vous avez une chance de revenir et vous devrez alors assumer vos actions passées.
- Une conscience collective alignée sur les enjeux de transformation : Pour accepter les changements, surtout lorsqu’ils sont difficiles, le peuple doit pouvoir comprendre ces changements, mesurer les scénarios, identifier les alternatives et leurs conséquences. La seule méthode qui permet de faire cela dans le temps est la liberté d’expression, POINT. C’est la seule méthode qui permet de confronter les idées et de canaliser les frustrations, d’identifier les craintes, les peurs et les espoirs et les solutions.
- Un système stable dans le temps et visionnaire : Le système démocratique est le seul système qui est stable dans le temps, c’est donc le seul capable d’adresser les transformations profondes sur 15, 20 ou 25 ans. Seule la mise en place d’une vie politique basée sur des organisations politiques qui travaillent réellement permet d’anticiper et de construire des visions. La meilleure démonstration aujourd’hui est celle de nos parlementaires. Ils sont représentatifs et motivés, et nous en sommes tous fiers, mais ils sont seuls, définitivement seuls ! Sans organisation leur permettant de travailler les idées, de coconstruire en région, de collaborer avec les think tanks ou les associations, il leur est impossible de travailler sur des données, des modélisations mathématiques avec l’IA, de se déplacer pour aller voir les solutions qui fonctionnent dans le monde, de visiter les centres de recherche, de se tenir au courant des évolutions scientifiques, industrielles, technologiques ou sociétales. Nous avons des députés seuls, sans moyens, sans soutien, sans formation sur les grands défis de demain, sans connaissance politique ni même de la réalité du fonctionnement de l’État et de ses instances ! Oui, les partis politiques en Tunisie depuis 2011 n’ont rien produit, et certains sont de véritables organisations criminelles, nous le savons tous ! Mais lorsque vous avez mal au bras, vous coupez le bras ou tentez de le soigner ? La Tunisie a patiemment mais sûrement fait disparaître toutes les organisations qui auraient pu porter le changement. Le président, lui, ne peut que constater qu’il est seul, sans programme, sans équipe sur le terrain, sans soutien autre que celui obtenu par la peur, la lassitude et l’apathie qui touchent toutes les strates de la société.
La seule solution est donc la mise en œuvre de notre vision sur la maitrise de la vie politique, avec une priorité pour la nation : la remise en marche d’un système qui garantit le changement.
La discussion, comme nous l’avons déjà maintes fois répété sous les menaces et les insultes, n’est pas de savoir si l’éducation est plus importante que l’énergie, l’agriculture, la dette, ou même l’intelligence artificielle ou le changement climatique. La question est : quel système est capable d’adresser dans le temps, avec les populations, les organisations, les médias, nos partenaires diplomatiques et financiers, les vrais changements pour espérer survivre demain dans un monde qui s’effondre autour de nous ? Cet effondrement est observable par la guerre généralisée, les changements climatiques, l’industrialisation de la criminalité, la disparition des classes moyennes mondiales et un système financier planétaire avec une dette qui vient de dépasser 300 000 milliards de dollars.
Les enjeux devant nous sont énormes, massifs, destructeurs de mondes et de civilisations. Et lorsque nous voyons le niveau du débat en Tunisie, les positions, et pour certains, l’amateurisme et la médiocrité, nous pleurons pour notre nation.
Ensemble, nous devons essuyer nos larmes, garder l’espoir et nous battre pour la seule priorité : la mise en œuvre d’une vraie démocratie. C’est le seul système capable de créer cette « Assabiyah » décrite par Ibn Khaldoun, permettant de fédérer la nation et toutes ses organisations autour d’une véritable vision d’avenir.
Notre vision de cette démocratie est décrite concrètement, avec des mesures fortes, dans l’article suivant.
Articles suivants (Ordre logique de lecture)
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